D urant trois semaines, Alix Denambride, Julie Chaffort et moi-même avons animé un atelier de création dans l’espace public pour dix artistes Coréens. Ce workshop était organisé par la FAIAR, Formation Avancée Itinérante aux Arts de la Rue, en collaboration avec Seoul Foundation for Arts and Culture.
Nous avons travaillé dans le quartier de Belsunce au centre ville de Marseille. Ce quartier est très marqué par la présence d’une population d’immigrés d’Afrique du nord de longue date. Le choc des cultures fut fort, teinté par les évènements dramatiques de ces dernières semaines à Paris et dans le monde, la rencontre avec Marseille ne fut pas évidente pour ces artistes Coréens.
Mais la qualité des rencontres que nous avons faites avec les habitants de Belsunce fut si forte, que ces trois semaines d’ateliers en Anglais, avec des Coréens, au milieu des Arabo-Marseillais, ont été d’une richesse incroyable pour tout le monde.
Deux journées de visite avec l’artiste marcheur et urbaniste Marseillais, Nicolas Memain, ont grandement participé à la réussite de ce projet.
Nous avons dirigé cet atelier vers une écriture dans l’espace public qui ne bouleverse rien au quotidien tout en le questionnant.
Il s’agit de mettre en œuvre des propositions ouvertes, des mises en situation décalées et poétiques dans la ville.
Nous avons utilisé les outils sonores, photographiques et cinématographiques pour créer des formes jouées et installées dans Belsunce. Les temps de fabrications, captations sonores et vidéos ont aussi été des temps de création in situ. Le processus de fabrication est aussi un acte artistique.
Nous ne bouleversons rien, mais nous déplaçons quelques éléments, quelques points de vues qui permettent de décaler le quotidien vers un ailleurs.
À travers une série d’exercices, de mises en pratique, de construction de situations décalées, imaginaires et poétiques, nous orientons nos regards et nos écoutes de la ville pour y projeter nos univers artistiques.
Écrire dans la rue nécessite un temps d’observation particulier. Nous devons poser non pas un regard et une écoute de passant, de touriste ou d’étranger mais d’artiste. La première étape est celle de la découverte, de l’immersion, de l’observation, de l’écoute et de la perception. C’est donc aussi une étape de choix, de tri, de sélection, de projection.
Ensuite nous enregistrons des sons dans la rue, nous produisons des sons dans l’espace public que nous ré-enregistrons. C’est une étape d’écriture sonore. Nous enregistrons et diffusons du son pour faire entendre autrement, pour faire entendre ce que nous n’écoutons pas, ce qui n’est pas…
Une autre étape de travail est celle de l’image photographique, de la captation vidéo et du tournage de séquences de film dans l’espace public. Quel choix faisons-nous dans ce que nous montrons, comment le montrons-nous et comment s’inscrivent nos présences dans l’image? Quel rapport entre fiction et réalité? La fiction peut-elle nous permettre de voir le réel autrement?
Enfin nous questionnons la façon de mettre dans l’espace ces dispositifs sonores et visuels. Projections, impressions de cartes postales, écoutes amplifiées, écoutes aux casques. Comment met- on en rue ces formes plastiques et de quelles manières joue-t-on avec ?
Tout ceci a aussi été possible grâce à tous ceux que nous avons rencontrés à Belsunce et qui nous ont aidés. Notamment Toufik qui nous a prêté son café restaurant, Nora Mekmouche qui travaille à l’Alcazar (médiathèque de Marseille) et toute l’équipe de la Compagnie, centre d’art contemporain à Belsunce.